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++Impact des dispositifs numériques sur l’apprentissage des élèves au Tchad.

4 février 2020
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Reoular Urbain Ndigmbayel,
Ecole Normale Supérieure de Bongor (ENS/B),
Département des Sciences de l’éducation,
Tchad

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De nombreuses études réalisées sur les retombées du numérique sur l’apprentissage scolaire des élèves en Afrique subsaharienne ont produit un large panorama de données sur le numérique éducatif (A.O. Mba, 2017 ; J. Fabbio, 2010 ; T. Karsenti, 2009 ; D. Anyika, 2017 ; T. Karsenti, D. Peraya, I. Viens, 2002). Ce panorama présente un bilan des expériences, des réalisations et des études faites dans différents pays d’Afrique. Il ressort de tout cela que pour l’intégration et l’usage efficient des TIC dans les systèmes éducatifs africains, beaucoup de défis reste à relever et ce, pour des raisons économiques, sociales et politiques. Toutefois, les expériences réalisées ont montré que les TIC dans l’enseignement sont prometteurs pour le continent africain.

Parmi les multiples croisements de données réalisés pour établir les usages scolaires du numériques, nous proposons ici l’analyse de l’impact du numérique, au prisme de la nature de l’établissement (public, privé), du niveau de formation des chefs d’établissement et des enseignants. Nous montrerons que l’usage des TIC dans les apprentissages scolaires se révèle tributaire des compétences des formateurs en la matière et du statut des établissements. Il y a lieu de rappeler que « l’intégration pédagogique des TIC, c’est l’usage des TIC par l’enseignant ou les élèves dans le but de développer des compétences ou de favoriser des apprentissages. C’est amener les élèves à faire usage des TIC pour apprendre les sciences, les langues, les mathématiques. Intégrer les TIC, c’est aussi faire usage des TIC pour enseigner diverses disciplines » (T. Karsenti, S. T. Ngamo, 2009, 58). D’après Justine Fabbio, les TIC désignent non seulement l’informatique et l’internet mais aussi « les téléphones mobiles » (J. Fabbio, 2010, 34)

Après une première partie pour qualifier l’étude, une deuxième partie viendra contextualiser de manière empirique l’usage du numérique en milieu scolaire. En troisième partie, nous analyserons les résultats du croisement des données de l’usage du numérique par les élèves en milieu scolaire avec la nature de l’établissement et la formation initiale et continue des encadreurs. La quatrième partie viendra conclure sur la problématique du numérique scolaire au Tchad.

1. Aspects théoriques

Notre article est en didactique des disciplines de manière générale et plus particulièrement en didactique des Technologies de l’Information et de la Communication. Nos données proviennent d’une enquête menée en 2017 dans quelques établissements de la commune de N’djaména dont l’objectif était de vérifier l’influence du numérique scolaire sur les apprentissages des élèves.

1.1. Population de l’étude et technique d’échantillonnage
La population mère (2 545 élèves) a été choisie par tirage de telle manière à représenter 10% de l’ensemble des élèves de cinq établissements. La population cible compte 25 458 élèves dont 20.359 garçons et 5.099 filles de trois niveaux (Seconde, Première et Terminales), toutes séries confondues (A4, C, D), 911 enseignants et 269 administrateurs. Un lycée public (Lycée Félix Eboué), deux lycées privés (Lycée Sacré-Cœur, le Collège Evangélique) et un lycée confessionnel (Lycée Turc) ont été ainsi choisis parmi 19 lycées publics, 12 lycées privés confessionnels et 45 privés laïcs que comptait les 2e, 3e, 6e et 8e arrondissements de la commune de N’djamena en 2017 (1). Nous avons opté pour une procédure d’échantillonnage dite non probabiliste, de bon sens (le choix raisonné). La variante que nous avons choisie est le choix raisonné typique

Notre échantillon final est formé de 2 545 élèves dont 1681 du public (1 516 garçons et 164 filles), 475 du privé (323 garçons et 152 filles) et 389 du confessionnel (196 garçons et 193 filles), 91 enseignants dont 39 du public (31 hommes et femmes), 30 du privé (27 hommes et 3 femmes) et 22 du confessionnel (19 hommes et 3 femmes) et enfin 26 administrateurs dont 10 du public (8 hommes et 2 femmes) ; 15 du privé (7 hommes et 8 femmes) et un seul du confessionnel (1 homme). Quant aux établissements, un lycée public, deux privés et un confessionnel ont été choisis. Pour faire partir de l’échantillon, en ce qui concerne les élèves, il faut être régulièrement inscrit dans un des établissements sélectionnés et l’une de trois classes. Pour les enseignants et les administrateurs, être permanent ou vacataire dans l’un des établissements sélectionnés, avoir une ancienneté d’au moins quatre ans dans l’établissement et être au moins titulaire d’une licence ou d’un diplôme équivalent. Pour les établissements, être dans l’un des arrondissements concernés et avoir en son sein les classes de Secondes, Premières ou Terminales toutes séries confondues.

La partie empirique de cette étude est basée sur un pluralisme méthodologique (H. S. Becker, 2013 ; F. Bernard, R.-V. Joule, 2005) : une enquête par questionnaire auprès 2.662 élèves, enseignants et administrateurs ont été complétés par 277 entrevues semi-directives dont 266 auprès des élèves, 9 auprès des enseignants et 2 autres auprès des administrateurs.

1.2. Enquête par questionnaire
Nous avons utilisé une enquête par questionnaire auprès des élèves (n=2.545), des enseignants (n= 91) et des proviseurs (n=26). Pour l’enquête enseignante, nous avons 117 répondants (dont 91 enseignants et 26 proviseurs) pour un total de 911 enseignants concernés. Les questionnaires, constitués de trois parties (introduction, questionnaire proprement dite et identification), ont été adressés aux enquêtés en milieu de l’année scolaire c’est-à-dire entre janvier et mars 2017 soit trois mois. Quinze questions étaient adressées aux élèves et vingt aux enseignants et aux administrateurs (proviseurs). Elles étaient axées principalement sur les activités numériques, les supports pédagogiques, la préparation de cours, les séances de cours et les devoirs à faire à la maison.

1.3. Entrevues semi-dirigées
Pour les besoins de notre recherche, nous avons choisi de conduire des entrevues semi-dirigées auprès de trois catégories (élèves, enseignants et proviseurs) de répondants pour valider, expliquer et corroborer certaines informations obtenues lors des enquêtes par questionnaires. Ainsi, 265 entretiens semi-directifs ont été réalisés dont 254 auprès des élèves, 9 et 2 respectivement pour les enseignants et les administrateurs. Le questionnaire élève a été construit autour de quinze indicateurs et complété par un entretien réalisé avec les enseignants et les administrateurs axés sur vingt indicateurs.

En somme, la collecte des données réalisées dans le cadre de notre recherche repose sur une combinaison d’instruments de mesure (questionnaires et entrevues) qui représentent des méthodes complémentaires (L. Savoie-Zajc, 2004). Les quatre originalités de cette étude sont donc les suivantes :

  • un échantillonnage grâce à une enquête en classes ;
  • un questionnaire conçu sur et avec le terrain pour une meilleure compréhension de l’influence réelle du numérique sur l’apprentissage ;
  • une vision large du système éducatif, de la Seconde en Terminales avec un questionnaire et,
  • une double vision enseignants/étudiants des mêmes classes pour pouvoir croiser les regards sur certains résultats clés.

Enfin, l’étude largement descriptive qui est présentée ici ne nécessite pas un « cadre théorique » formel dans un volume restreint, vu le nombre de questions auquel elle fait allusion.

1.3. Traitement et analyse des données
Pour effectuer les analyses des entrevues, une avons privilégié une approche de type analyse de contenu. Elle s’est inspirée des données proposées par René l’Ecuyer (1990). Pour cet auteur, l’analyse de contenu est « une méthode de classification ou de codification des divers éléments du matériel analysé, permettant à l’utilisateur d’en mieux connaitre les caractéristiques et la signification » (op. cit., p. 9). Quant aux données recueillies par les questionnaires, des analyses statistiques ont été réalisées à l’aide du logiciel SPSS.

2. Présentation et analyse des données

2.1. Présentation et analyse des données du questionnaire
2.1.1. Contexte. Elèves et apprentissages avec le numérique
Les élèves de notre étude ont 2 heures de cours d’informatique par semaine. Cela représente 72 heures/an ou encore 3 jours entiers. Autrement dit, ces jeunes passent très peu de leur temps à l’apprentissage numérique ‘’formel’’ par rapport au volume annuel de cours. Une année scolaire équivaut à environ 1000h de cours, valeur variable suivant le niveau scolaire (la durée du cours formel dans les établissements du Tchad est de 5h/jour. Les cours commencent à 7 h du matin et prennent fin à 12 h, en fin de matinée). Ce qui suppose que chaque année, ces jeunes passent une infime partie de leur temps devant les écrans. Selon Jean-François Céci, « les écrans, ou encore le numérique et Internet sont une source potentiellement importante d’apprentissages, ces derniers étant qualifiés d’informels, car hors champ scolaire et non impulsés par le système éducatif (ils relèvent de la vie privée et du libre arbitre). Cet apprentissage informel est aussi dit « adaptatif » dans la mesure où il correspond à des connaissances à intérêt immédiat, pour se divertir, pour les besoins de la vie de tous les jours et pour faciliter son adaptation dans son environnement. Une des caractéristiques principales des apprentissages adaptatifs est qu’ils ne sont pas conscients et ne demandent pas d’efforts, on apprend malgré nous. Il en est ainsi des visages, des voix, des expressions, de la langue maternelle, des trajets journaliers, des horaires de bus ou de tout ce qui jalonne notre quotidien » (2018, 2).

Nous avons donc cherché à savoir si les enquêtés avaient consciences d’apprendre via l’informatique et partant les connexions internet.

71% des élèves enquêtés reconnaissent qu’ils utilisent le numérique comme complément d’apprentissage. 51% l’utilise pour les études, 10% pour des jeux et/ou des échanges avec des amis, 10% des activités à but académique (devoirs à faire à la maison, travail de groupe).

Nous avons demandé aux enseignants s’ils proposaient des devoirs à la maison incluant des travaux numériques.

50% des enseignants du confessionnel, 40% du privé et 20% du public sont prescripteurs de devoirs à la maison nécessitant un ordinateur ou une connexion internet. Les autres enseignants se répartissent en 36% pour le confessionnel, 30% pour le privé et 30% pour le public pour « le rarement » et 20% pour le confessionnel, 24% pour le privé et 50% pour le public pour le « jamais ». Ce sont essentiellement les enseignants des établissements confessionnels et privés qui donnent plus de devoirs à faire avec le numérique (« toujours » et « rarement »). Cela s’explique assez facilement avec, d’une part, l’équipement en matériel informatique et d’autre part, la formation en informatique des enseignants de ces établissements.

Pour conclure sur le contexte du numérique à l’école, on a affaire à des élèves qui apprennent avec le numérique, grâce à une pratique de 2h/semaine. Ces apprentissages numériques sont donc surtout informels. Le numérique est très peu utilisé durant les cours pour des activités pédagogiques car très peu d’enseignants projettent les cours. Voyons à présent si la formation des administrateurs et des enseignants est corrélée avec les usages numériques des élèves dans leur apprentissage.

2.1.1. Usage du numérique versus formation des enseignants et des administrateurs

Nous avons interrogé les administrateurs d’établissement (Surveillants, censeurs et proviseurs) par rapport à leur formation dans le domaine du numérique. Il y a lieu de rappeler que nous avons trois catégories d’administrateurs et d’enseignants : ceux du publics et du privé confessionnel d’un côté et de l’autre du privé laïc. L’appartenance à l’un ou l’autre de ces secteurs conditionne d’une part la formation et d’autre part les résultats des apprenants.

Nous avons répertorié cinq activités numériques parmi les usages scolaires usuelles. Le tableau 4 montre la répartition des élèves selon les usages. Les activités numériques des élèves dépendent en grande partie de la formation en informatique des administrateurs et des enseignants.

Pour avoir une vision plus globale et voir l’utilisation du numérique dans les établissements secondaires de N’djaména, nous avons calculé un score d’activités numériques en attribuant aux 5 usages de la liste ci-dessus :

  • 0 point à la fréquence « jamais » ;
  • 1 point à la fréquence « rarement » ;
  • 2 point à la fréquence « souvent » ;
  • 3 point à la fréquence « toujours ».

Nous avons réparti les résultats des administrateurs et des enseignants répondants en trois classes d’effectifs identiques. Ce découpage propose une classe des faibles usagers (<5pts : soit 5 usages rarement, ou 2 usages souvent et 1 rarement, ou encore à 1 usage tous les jours et 1 souvent, etc.), une classe des usagers moyens (5 à 8pts) et une classe des usagers réguliers et intensifs (9 et plus).

Le score maximum étant 5, on note que 30,40% des enquêtés ont 9 et plus. L’écart entre les trois tranches (Moins de 5 à 9 et plus) n’est pas significatif. Cet indicateur permet d’apprécier la quantité et la diversité de la présence du numérique éducatif au sein des cours. A présent, il va nous permettre de comparer le public, le privé confessionnel et le privé laïc, pour traiter notre thématique.

En observant les données du tableau n° 5, il en ressort que les scores du public, du privé laïc et du privé confessionnel, la moyenne du public, du privé laïc et du privé confessionnel montrent bien que le score du numérique éducatif est plus élevé chez les privés laïc et confessionnel que chez le public.

2.1.3. Les supports pédagogiques
Qu’en est-il de l’usage des supports pédagogiques comme l’ordinateur, le micro projecteur par les enseignants du public et du privé ?

Le tableau n° 6 montre un usage plus marqué du manuel (ou livre) dans sa forme papier. Les enseignants du public en font plus usage que leur collègue du privé. Quel que soit la forme, le manuel papier représente 48,9% de l’usage chez les enseignants du public, le manuel numérique 86,76% chez les privés (laïc et confessionnel). Le manuel papier est davantage utilisé par les enseignants du public (48,9% des enseignants du public contre 51,1% des enseignants du privé). Il y a une forte corrélation entre l’usage de manuels et la matière enseignée.

2.1.4. La préparation des cours
Chez les enseignants sondés, la préparation des cours fait fortement appel aux ressources numériques. En effet, 41,1% déclare utiliser majoritairement des ressources numériques pour cela, contre 9% pour les majoritairement des ressources non numériques. L’autre « petite » moitié (46,8%) ne sait pas prononcer et se positionne pour l’égalité entre ressources numériques et non numériques (et 3,1% sans réponses). Le croisement entre les enseignants des établissements privés et leurs collègues du public est très significatif car la quasi-totalité des enseignants ont recours aux TIC contre une infime partie de leurs collègues du public. En effet, l’utilisation des TIC à l’école fait référence à plusieurs types de compétences : « le premier correspond à des compétences plutôt techniques liées à un instrument particulier ou à une classe d’instruments. Le deuxième type, didactique, lié à la conception des situations d’enseignement et d’apprentissage dans des disciplines scolaires. La troisième, plus pédagogique, est relatif à la gestion pratique en temps contraint des activités des élèves, aux modes d’intervention et aux gestes professionnels nécessaires en fonction des contextes » (G.-L. Baron, 2000, 153).

2.1.5. Les séances de cours proprement dite
A la question de savoir « utilisez-vous les supports numériques lors des séances de cours », les réponses des différents enquêtés varient d’une catégorie à une autre.

70% des enseignants du privé (laïc et confessionnel) disent utiliser les ressources numériques pour dispenser les cours contre 30% de leurs collègues du public. 80% d’enseignants de sciences prétendent utiliser le numérique contre seulement 25% de leurs collègues de lettres. Ces derniers (les enseignants de lettres) mentionnent la rareté des ressources numérique dans le domaine littéraire : « les films sur les œuvres littéraires, en histoire ou en géographie sont rares à trouver. Même s’ils existent, leur diffusion est restreinte et leur usage est dispendieux à cause du manque de matériel adéquat (projecteur, écran vidéo) dans les établissements ».

Du côté des élèves, le constate n’est pas le même. 60% des élèves du privé estiment (laïc et confessionnel) que leurs enseignants utilisent le numérique pendant le cours contre 20% de leurs camarades du public. Pour 40% des élèves du privé et 80% de leurs collègues du public, le manque et/ou l’insuffisance de matériel numérique (ordinateur, projecteur, connexion internet, électricité) dans les établissements justifient la réticence des enseignants à l’usage du numérique.

2.1.6. Les devoirs avec le numérique
A la question « pour les devoirs à la maison, demandez-vous des travaux numériques ? », la répartition en deux catégories se réalise ainsi :

1. Les faibles prescripteurs de devoirs numériques à 61,6% (modalités « jamais » et « rarement ») ;
2. les forts prescripteurs de devoirs numériques à 35,3% (modalités « souvent » et « chaque cours »).

Si nous isolons la population des forts prescripteurs de devoirs à la maison avec le numérique, le croisement entre enseignants du public et du privé (laïc et confessionnel) montre que ce sont les privés qui, à 65.2%, donnent les devoirs avec le numérique. Les enseignants proposent donc plus souvent des devoirs à la maison faisant appel au numérique. Il est à noter qu’au collège et lycée publics, les devoirs numériques sont peu présents (modalité dominante rarement).

Du côté des élèves, 80% du privé disent qu’ils utilisent ‘’souvent’’ le numérique (connexion à partir des téléphones mobiles et/ou de cybercafé) pour traiter les devoirs à la maison. Très peu de leurs camarades du public (modalité jamais et rarement) en font usage (25%).

2.2. Présentation et analyse des données des entretiens
2.2.1. Les supports pédagogiques
Les enseignants des sciences expérimentales (la biologie, la chimie, etc.) utilisent davantage le micro projecteur pour leur cours que leurs collègues des lettres. Les technologies « lorsqu’elles sont combinées et interconnectées, permettent de rechercher, de stocker, de traiter et de transmettre des informations, sous forme de données de divers types (texte, son, images fixes, images animées, etc.), et permettent l’interactivité entre des personnes, et entre des personnes et des machines » (J. Basque, K. Lundgren-Cayrol, 2002, 10).

2.2.2. Les séances de cours proprement dite
A la question de savoir ‘’ utilisez-vous les supports numériques lors des séances de cours’’ les entretiens avec les différentes catégories révèlent qu’ils soient du privé ou du public, tous reconnaissent que l’usage du numérique est fonction de la matière enseignée et du niveau scolaire. En effet, les enseignants des sciences et surtout des sciences expérimentales utilisent davantage les micro-ordinateurs et les projecteurs pour les séances de cours. Un enseignant du Sacré-Cœur confirme cette situation « les cours de biologie en Terminales sont facilement compris par les élèves lorsqu’ils sont projetés. La projection a un double avantage pour les élèves : il voit l’image en même qu’il écoute le son. Ça lui facilite la mémorisation et la compréhension du cours ». Les proviseurs d’établissement reconnaissent unanimement les avantages du numérique dans l’éducation « l’avènement de l’ordinateur et surtout du projecteur a révolutionné l’apprentissage. Ils suscitent la motivation chez les élèves à cause de leur caractère visuel et ainsi améliore le taux de réussite dans nos établissements ».

Les enseignants tant du privé que du public reconnaissent que c’est à partir de la 4e et surtout au second cycle de l’enseignement secondaire que le numérique est plus utilisé. A ces niveaux, les cours surtout dans les disciplines scientifiques sont majoritairement basées sur des expériences à réaliser dans des laboratoires. Certains cours tels en biologie, en physique et en chimie sont reproduits sur des CD-Rom.

Les élèves du privé font remarquer que leurs enseignants utilisent plus souvent le numérique que leur camarades du public. A ce sujet, voici les propos d’un élève de classe de Terminales A4 du Collège Evangélique « pendant l’année scolaire, notre professeur de français nous a fait voir des films sur les œuvres que nous étudions en classe. Ainsi, nous avons visionné les films sur l’étudiant de Soweto, les mains sales, la tragédie du roi Christophe. Ces séances se sont déroulées généralement le soir, en dehors des heures prévues pour les cours. Mais dans beaucoup d’enseignants ne font pas ce sacrifice pour leurs élèves ».

La réticence des enseignants à utiliser le numérique est liée au manque et/ou l’insuffisance de ce dernier dans les établissements. Un élève du Lycée Félix Eboué confirme ces propos en ces termes : « notre établissement ne dispose que d’un seul et vieux projecteur pour 2500 élèves, d’une salle d’informatique équipés de quelques ordinateurs obsolètes parce qu’achetés depuis 2008 et abandonnés dans la poussière. Nous y avons accès rarement. J’ai appris la connexion internet avec mes amis au quartier parce qu’il n’y en a pas à l’école ». Ces propos traduisent la réalité de beaucoup d’établissement de notre pays.

2.2.3. Les devoirs avec le numérique
Lors des entretiens, les professeurs du privé ont fait remarquer que souvent leurs élèves utilisent la connexion internet soit dans les cybers ou à partir de leur téléphone portable pour traiter les devoirs. Par contre leurs collègues du public reconnaissent le peu ou la non utilisation du numérique pour traiter les devoirs à faire à la maison. En effet, dans beaucoup d’établissement, le numérique est inexistant. Certains établissements ne disposent ni de salle d’informatique pour les élèves, ni connexion d’internet et à plus forte raison de cours d’initiation à l’informatique.

3. Discussion des résultats du questionnaire et des entretiens

3.1. La problématique du numérique en éducation au Tchad
Il convient de signaler que le numérique en éducation correspond « à l’ensemble des services en ligne, de logiciels de gestion, d’édition et de communication […] ainsi qu’aux données statistiques […] aux informations et aux œuvres numériques utiles à l’enseignant ou à l’apprenant dans le cadre d’une activité d’enseignement ou d’apprentissage utilisant les TIC, activité ou projet pouvant être présenté dans le cadre d’un scénario pédagogique » (R. Bibeau, 2005, 12 ).

Nous avons répertorié cinq problématiques fréquemment rencontrées par d’une part les enseignants et d’autre part, les élèves dans l’usage du numérique pour les apprentissages scolaires et les avons ordonnées par fréquence de réponses. Pour les enseignants, les premières sont d’ordre matériel (manque d’équipement informatique ou équipement informatique désuet, manque d’électricité), puis viennent le manque de formation à l’usage du numérique, peur que les élèves utilisent le numérique pour faire autre chose (changer avec leurs amis, faire des jeux lucratifs, voir les films, etc.), le manque de temps pour les cours d’informatique, réticence des élèves, manque de formation pédagogique pour l’usage du numérique, réticence de certains parents pour l’usage du numérique à cause des couts financiers supplémentaires, crainte de panne, le manque d’apport du numérique pour certaines disciplines. Du côté des élèves, on constate notamment la problématique d’ordre matériel (manque d’équipement informatique ou équipement informatique désuet, manque d’électricité), le manque de moyens financiers pour payer la connexion internet, formation peu suffisante pour utiliser le numérique, manque de temps, réticence de certains parents pour l’utilisation du numérique par leurs enfants.

Ces résultats invitent à des réflexions sur l’évolution des mentalités des enseignants et administrateurs d’une part et des élèves de l’autre, par rapport à l’usage du numérique à l’école. En effet, il y a lieu de redéfinir la politique du numérique scolaire par les autorités en charge de l’éducation. Il faut d’une part, former les parents et les élèves sur la nécessité et l’actualité du numérique de nos jours dans tous les domaines et plus particulièrement à l’école et d’autre part, doter les établissements scolaires des équipements performants, former les enseignants à l’usage de ces équipements, valoriser l’investissement pédagogique, aménager des créneaux de travail et pour les enseignants, et pour les élèves. Tout cela est nécessaire du moment où « pour une majorité d’éducateurs (parents, enseignants, éducateurs), les usages numériques sont un frein aux acquisitions scolaires » (S. Alava, 2013, 34). Cela nécessite des moyens financiers conséquents et supplémentaires en termes de budget.

3.2. Problématique du numérique et niveau scolaire des élèves
Les résultats de l’étude montrent que de la 6e en 5e les élèves se soucient peu ou pas du tout du numérique. A partir de la 4e et surtout en 3e l’intérêt pour la connexion à internet est très accentué et ce, pour plusieurs raisons. En 4ème commence la puberté et le désir de communiquer avec les autres, de découvrir le monde environnant est très poussé chez les jeunes « les jeunes sont créatifs et publient des contenus ou échangent des données et des ressources. Ils sont 41% à dire qu’ils ont mis des photos et des vidéos ou de la musique pour partager avec d’autres. Ces pratiques concernent six jeunes sur dix parmi les 13-16 ans » (S. Alava, idem, p. 36).

L’intérêt de la connexion à internet en 3ème se justifie par la recherche des informations complémentaires aux cours reçus en classe et surtout les sujets de Brevet traités dans d’autres régions ou pays. Au second cycle de l’enseignement secondaire c’est-à-dire de la seconde en Terminales, l’usage du numérique est très développé chez les élèves car il participe au développement des sept principes sociocognitifs de l’apprenant (K.L. Dix (2007).

3.3. Impact du numérique sur l’apprentissage des élèves
Nous avons demandé aux enseignants et aux élèves des établissements impliqués dans cette étude si l’usage du numérique à l’école à des impacts sur leurs apprentissages scolaires. Tous reconnaissent que les TIC produisent des effets bénéfiques.

Pour 75% des enseignants du privé et 50% du public, les tics améliorent les apprentissages des élèves et les rendent plus autonomes et plus motivés (Vincent, 2002). Pour ces enseignants, l’utilisation des TIC responsabilise l’élève en lui permettant de faire des choix, d’interagir. La motivation est suscitée par « l’effet de nouveauté » de l’intégration des TIC d’une part et d’autre part, par l’intérêt et le plaisir qu’éprouve l’élève à accomplir une tâche d’apprentissage. Ce dernier point suscite l’engagement cognitif de l’élève qui se manifeste par l’implication de l’élève dans la réalisation de la tâche que ça soit au niveau de la recherche et de la restitution de l’information ou au niveau de la manipulation des ordinateurs (A. K. El-soufi, 2011, 109).

Du côté des élèves, nous avons répertorié 5 catégories de réponse : aide pour les devoirs, chercher la définition d’un mot ou d’un concept, répondre à une interrogation à l’aide de Wikipédia, de consulter une vidéo contenant la démonstration d’un devoir de géométrie ou d’une expérience de chimie, etc., de joindre des amis éloignés. Sur la toile, les élèves trouvent facilement et même « abondamment » des ressources pour les devoirs individuels et collectifs.

3.4. Accompagnement des enseignants
Nous voulons terminer cette présentation des résultats par un aperçu sur l’accompagnement au développement professionnel des enseignants. Nous avons posé aux enseignants la question de savoir s’ils reçoivent une formation dans le domaine de la « pédagogie numérique » dans leur établissement.

La moitié des enseignants du privé (50%) ont répondu par l’affirmatif. Ces formations sont « occasionnelles » et se passent 1 à 2 fois dans l’année. Pour l’autre moitié, leurs établissements offrent « rarement » ou « pas du tout » de formation dans le domaine de la pédagogie du numérique. Quant aux enseignants du public, la quasi-totalité des enseignants (90%) de secteur disent ne pas recevoir de formation en pédagogie du numérique dans leur établissement contre une infime partie (10%) qui atteste en avoir reçu « rarement ».

Le croisement avec la nature de l’établissement montre que les enseignants du privé sont mieux accompagné que leurs collègues du public (50% contre 10%). Dans les établissements privés, les formations sont offertes occasionnellement une à deux fois dans l’année tandis que dans le public, celles-ci sont « rares ». D’ailleurs un rapport sur l’intégration des TIC dans l’éducation en Afrique mentionne « qu’une étude menée dans plusieurs établissements africains pour mieux comprendre le ressenti des professeurs face à l’arrivée de matériel informatique dans leur école met en évidence qu’un certain nombre d’entre eux ne parvient pas à adopter une pédagogie propre à une utilisation optimale des TIC » (Savoirs communs, n° 17, 2015, 82).

Nous leur avons demandé combien de fois ils ont reçu une formation ces cinq dernières années. Sur une période de cinq ans, 37% on déclarés ne s’être pas formé, 28% ont suivi une seule fois la formation, 16% en ont suivi deux fois, un en a suivi trois et un autre quatre. Aucun enseignant n’a pu atteindre le stade de cinq fois.

Ces constats montrent que le numérique n’a pas évolué dans le domaine de l’éducation au Tchad alors que ces dernières années on a vu apparaitre nombre de nouveautés ou d’innovations dans l’écosystème éducatif mondial : MOOC, pédagogie active, jeux vidéo, cours par correspondance, la pédagogie de l’intégration ou par compétence, etc. En somme, nous vivons une époque de grands changements à l’ère du numérique au niveau institutionnel alors que les enseignants au Tchad d’une manière générale et dans les établissements de la ville de N’djaména en particulier sont peu formés dans ce domaine. Jean-François CECI justifie cette situation par « la faible offre à certains niveaux (lycée), une offre inadaptée aux besoins ressentis, des conditions de formation potentiellement non attractives (décharges horaires, formations sur temps personnel), un « non besoin » correspondant à un métier qui ne change pas […], en somme une certaine forme de conservatisme, voire d’immobilisme » (idem, p. 6).

Conclusion

Les résultats de notre étude montrent que l’intégration des TIC dans l’enseignement est globalement faible dans les établissements de la ville de N’djaména, et présente des différences selon le niveau de formation des administrateurs et des enseignants et la nature de l’établissement.

Au niveau de la formation des administrateurs et des enseignants, on a noté que l’usage du numérique à l’école est tributaire de la formation de ces partenaires incontournables en éducation. Les enseignants formés font largement usage des projections vidéos, des recherches sur la toile pour ‘’agrémenter’’ leurs prestations de cours. La maitrise des TIC exige une démarche pédagogique pour acquérir des compétences spécifiques et très variées à développer (G.-L. Baron, 2006). Ces compétences peuvent être technologiques, linguistiques, disciplinaires, cognitives, sociales, transversales, etc. Ces compétences permettent à l’enseignant d’alphabétiser numériquement l’élève (M. Tomé, 2009). L’usage de l’outil numérique en milieu éducatif apparait très bénéfique pour les élèves. Il leur permet d’être autonome dans l’acquisition des connaissances, de s’ouvrir au monde mais surtout suscite la motivation dans l’apprentissage. Pour renforcer ce plaisir et cette motivation d’enseigner avec le numérique chez les enseignants et d’apprendre chez les élèves, il parait impérieux de former les premiers à la pédagogie du numérique et d’équiper les établissements en matériels et ressources numériques nécessaires.

Références bibliographies

1. Ouvrages
Becker Howard Saul, Les ficelles du métier. Comment conduire sa recherche en sciences sociales, Paris, La Découverte, 2013.
L’Ecuyer René, Méthodologie de l’analyse développementale de contenu. Méthode GPS et concept de soi, Québec, Presses de l’Université du Québec, 1990.
Vincent Jay, Les TIC à l’école, Paris, Bordas Pédagogie, 2002.

2. Articles
Anasthasie Obono Mba, « Les smartphones au lycée. Quels usages pour quelles compétences ? », in Frantice, 14, 2017, p. 91- 103.
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Baron Georges-Louis, « De l’informatique à l’outil informatique : considérations historiques et didactiques sur les prélogiciels. Le cas particulier des logiciels de traitement des tableaux. Apprendre (avec) les logiciels. Entre apprentissages scolaires et pratiques professionnelles », in IRDP, 2006, p. 39-54.
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3. Articles numériques
Alava Séraphin « Usages numériques des adolescents et compétences acquises », [en ligne], n° 21, septembre 2013, consulté le 06 septembre 2018.
Bernard Françoise, Joule, Robert-Vincent, « Le pluralisme méthodologique en sciences de l’information et de la communication à l’épreuve de la communication engageante », [en ligne], n° 7, Mars 2005, consulté 06 juillet 2018.
Bibeau Robert, « Les TIC à l’école. Proposition de taxonomie et analyse des obstacles à leur intégration », [en ligne], n° 1, Septembre 2019, consulté le 28 juin 2018.
Karsenti Thierry, « Intégration pédagogique des TIC en Afrique. Stratégies d’action et pistes de réflexion », [en ligne], n° 2, consulté le 16septembre 2018.
Savoie-Zajc Lorraine, « La recherche qualitative/interprétative en éducation », [en ligne], n° 5, octobre 2016, consulté 10 septembre 2018.

4. Thèses
Amon Holo, Les Technologies de l’Information et de la Communication dans l’enseignement du premier degré en France. Contribution à l’étude des compétences des élèves de l’école élémentaire en TIC, les origines et les modes d’acquisition de celles-ci, Thèse de Doctorat, Université Paris Descartes, 2010.
Ahmad El-Soufi, Usages et effets des TIC dans l’enseignement-apprentissage du Français langue seconde. Exemple du Liban, Thèse de doctorat, Université de Strasbourg, 2011.

Pour citer cet article : Reoular Urbain Ndigmbaye, « Impact des dispositifs numériques sur l’apprentissage des élèves au Tchad. Cas de quelques établissements de la ville N’djaména », Revue Oudjat en Ligne, numéro 3, volume 2, Miroirs d’Afriques. Les quotidiens éprouvés, janvier 2020. ISBN : 978-2-912603-94-4/EAN : 9782912603944.

 

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[Numéro ISSN : 3005 - 7566]

 


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