ACCUEIL » PUBLICATIONS » ANCIENS NUMEROS » L’Afrique en temps de pandémie. Vivre et écrire sous Covid-19, numéro 4, février 2021 » Articles de ce numéro
AN = Les interférences phonétiques de l’igbo et de l’anglais sur le français chez les apprenants Nigérians du Lycée franco-britannique Libreville.Marie-France Andeme Allogo Le Gabon est un pays à forte immigration de contrainte : de nombreux ressortissants de pays africains, pour des besoins économiques viennent y chercher du travail. Ils constituent au Gabon une main d’œuvre diversifiée. Pendant longtemps, ces immigrés provenaient des pays dits francophones. Mais, dès le début des années 80, une grande vague d’immigrés d’ethnies différentes en provenance du Nigéria et du Ghana, pays anglophones, a fait irruption à Libreville. Il a donc fallu se « débrouiller » pour communiquer avec les Gabonais qui ont le français comme langue véhiculaire. De ce brassage de populations sont nés plusieurs sociolectes urbains pratiqués aujourd’hui dans Libreville. Cependant, si les immigrés de la première génération n’avaient besoin que de se « débrouiller » pour communiquer et exercer le commerce et certains métiers (cordonniers, tailleurs chauffeurs etc.), d’autres n’ont pas souhaité une telle « débrouille » pour leurs enfants. En effet, bien que maitrisant l’anglais, ils ont voulu un autre type d’intégration. Pour eux-mêmes et leurs enfants, cette intégration devait passer par l’école ; c’est-à-dire l’apprentissage et la maîtrise du français, afin de se donner de meilleurs atouts pour leur séjour au Gabon et aussi ailleurs. C’est ainsi que sont nées à Libreville des classes de langue avec un public multilingue. Dans ces classes, on s’est vite retrouver en face d’une situation d’interlangue qui a engendré des interférences linguistiques et des difficultés d’ordre didactico-pédagogiques. Le concept d’interlangue sert à caractériser les systèmes intermédiaires par lesquels passe l’apprenant en langue étrangère » (S. Galligani, 2003, 142). Depuis la parution de l’ouvrage Languages in contact ; findings and problems (U.Weinreich, 1953), les études sur le bilinguisme, le plurilinguisme et les interférences sont si abondantes qu’on s’y perdrait à les énumérer. La notion de l’interférence qui a son fondement en linguistique contrastive s’est étendue aux champs connexes de la linguistique. « L’interférence est l’utilisation d’éléments appartenant à une langue tandis que l’on parle ou que l’on en écrit une autre » (M. William, 1976, 414). L’étude de l’interférence peut être envisagée selon plusieurs points de vue : Dans cet article, qui porte sur les productions orales, seuls les points de vue relatifs à la linguistique et à la pédagogie entrent dans nos propos. Pour notre étude, nous avons sélectionné les apprenants africains de nationalité nigériane de LM igbo, ayant pour L2 l’anglais, le français étant leur L3.Ce choix est dicté par le fait que leur LM est très éloignée de L3, et leur L2 peut être rapprochée de L3 sur le plan de la phonétique articulatoire. De plus, la seconde est une classe intermédiaire, entre le premier cycle et le second cycle. 1 . Méthodologie et fondement théorique 1.1. Les fondements théoriques Dans notre classe et pour nos enquêtés, la langue d’appui était l’anglais. L’interférence peut affecter tous les niveaux de la langue. Notre étude se limite au niveau phonétique. 1.2. La méthodologie et l’objectif de la recherche 1.3. La procédure L’objectif de cette activité est double, d’une part, emmener les élèves à s’exprimer en français plus ou moins correctement et à s’autocorriger, de l’autre, de développer une méthode d’enseignement qui prenne en compte la compétence multilingue des élèves étrangers dans une classe de langue française du lycée cible. 1.3. La structuration du corpus d’analyse 1.4. Les hypothèses d’étude Nous présenterons dans un premier point les tableaux phonétiques des trois langues en présence. Dans un second point, nous présenterons et analyserons les interférences relevées dans notre corpus. Dans un troisième point nous discuterons des résultats et des difficultés rencontrées par les étudiants et enseignants. Enfin, nous suggérerons également quelques solutions pédagogiques. 2. Les systèmes phonétiques des langues en contactAfin de bien comprendre et trouver des explications sur l’origine des interférences qui apparaissent chez les apprenants igbophones, il est nécessaire de confronter les sons (consonnes et voyelles) des langues qui entrent en contact dans les productions discursives des élèves. Fondamentalement, les interférences phonétiques sont sous-tendues par des principes articulatoires qui répondent au principe du moindre effort à cause de l’inertie de la langue. Ce principe commande en substance que la langue fonctionne par commodité. En effet, la plupart des interférences phonétiques d’une langue sur une ou plusieurs autres résultent des habitudes articulatoires acquises dès la pratique de la langue maternelle de l’enfant. Cette pratique forme sa base articulatoire ou référentielle qui servira d’appui pour l’apprentissage d’autres langues à venir. Ainsi, dans l’apprentissage d’une nouvelle langue, l’apprenant aura des difficultés à prononcer des nouveaux sons qui n’existent pas dans sa base articulatoire de naissance. Confronté à cela, l’apprenant usera de plusieurs stratégies compensatoires à l’oral. Les procédés de la phonétique articulatoire et de phonétique combinatoire utilisés pour analyser les unités interférées proviennent de ces stratégies. 2.1.1. Les voyelles de l’igbo 2.2. Les consonnes de l’anglais 2.2.1. Les voyelles de l’anglais 2.2.2. Les diphtongues centripètes de l’anglais 2.2.3. Les diphtongues ascendantes de l’anglais 2.3. Les consonnes du français 2.3.1. Les voyelles du français
3.1. Le transfert Le transfert est une stratégie capitale chez les apprenants bilingues ou, multilingues qui apprennent une nouvelle langue ou langue étrangère. Dans la didactique des langues, l’interférence peut être considérée comme un transfert négatif car elle s’apparente à un élément perturbateur ou à un corps étranger en provenance d’une LM ou L2 de l’apprenant dans le processus d’apprentissage d’une nouvelle langue. Il est alors lié à la faute. Dans cette contribution nous nous intéressons, au transfert négatif non comme une faute [6], mais comme un frein à la maîtrise de la prononciation du français par les élèves igbophones. Cette non maîtrise de la phonétique du français nuit à leur audition dans les épreuves orales du français L3. Les interférences relevées chez ces locuteurs sont proactives, c’est-à-dire qu’elles sont issues des bases articulatoires de leurs L2 ou LM si fortement établies qu’elles contrarient l’acquisition ou la maîtrise des nouveaux sons de L3. 3.2. La phonétique articulatoire 3.2.1. Les interférences des consonnes constrictives ou fricatives [R], [ʃ], [ʒ], [f] La substitution La constrictive [R] a)- Renfort [RãfɔR] ˃ [ɹanfɔɹ En français le son[R]est une constrictive vibrante sonore dorso-uvulaire, ce son n’est attesté ni en igbo (LM), ni en anglais (L2). Cependant, c’est le [r] alvéolaire qui existe en anglais. Les apprenants substituent donc le [R] en [r] dans les trois positions (initiale, médiane et finale) où il se trouve dans les lexèmes, s’appuyant sur leur base articulatoire du L2. La constrictive [ʃ] a)- Chasse [ʃase] ˃ [tʃase] Dans ces exemples, la substitution aboutit à une affrication ou assibilation. Le son [ʃ] est attesté dans les systèmes phonétiques des trois langues en présence. Il est réalisé comme une fricative dorso palatale en français. C’est une fricative palatale en igbo mais post- alvéolaire sonore en anglais. Cependant, les participants l’ont réalisée [tʃ], en affriquée palatale sonore en igbo et post-alvéolaire sonore en anglais. Nous avons aussi relevé les réalisations correctes des lexèmes français comportant un [ʃ] chez 3 élèves (cf. : e, f, g). Ces différentes réalisations nous emmènent à deux types d’interprétations de ces réalisations : Deuxièmement, il se peut également qu’il y ait l’influence de la base graphique anglaise des apprenants ; en effet, certains lexèmes du français, L3 tels que : champion, [ʃãpjõ] Chine [ʃiin] etc., se prononcent en anglais, L2 : [tʃæmpiən], [tʃainə], etc. Concernant les enquêtés qui ont réalisé le son [ʃ] sans interférence, l’enquête a révélé que ce sont, soit les participants qui ont un long séjour à Libreville, soit ceux qui fréquentent les milieux gabonais. La constrictive [ʒ] a)- Etranger [etrãʒe] ˃ [etrandʒe] Dans ces exemples, il s’agit d’une affrication par lieu d’articulation du son [ʒ] en [dʒ]. Le son [ʒ] est attesté dans les systèmes phonétiques des deux langues, le français L3, et l’anglais L2. Seule la langue igbo, LM, ne possède pas le son [ʒ]. Cependant le son [dʒ] existe en igbo. Le [ʒ] est une constrictive apico palatale sonore en français, en anglais une constrictive post alvéolaire sonore. En anglais le [dʒ] est une affriquée post- alvéolaire sonore et une affriquée palatale en igbo. Les apprenants réalisent le [ʒ] en [dʒ]. Soit ils font appel à leur base articulatoire anglaise, L2 soit celle de l’igbo, LM, les deux langues attestant le son [dʒ]. Comme le montre le schéma ci-dessous [8] :
Mais à leur audition, [dʒ] est réalisée dorso palatale. Ici, on peut dire qu’il y a transfert de la base articulatoire de LM en L2 et non de celle de L2, bien que les deux langues L2 et L3 possèdent le son [dʒ]. C’est la réalisation de ce son par le dos du palais et non par l’apex et les alvéoles des dents qui penche vers cette interprétation. La constrictive [f] La sonorisation a)- Négatif [negatif] ˃ [nigativ] C’est uniquement en position finale devant [i] que le [f] se sonorise en [v] chez les participants. Il apparait dans l’enquête que, dans d’autres positions, et devant d’autres voyelles, le son [f]est réalisé sourd. Exemples : La sonorisation du [f] est ici imputable premièrement à [i] sonore et fermé. Mais aussi à la base graphique de l’anglais L2. En effet, beaucoup de mots se terminant par [f] précédé par [i] s’écrivent avec [v] en finale absolue en anglais ; tel est le cas de selectif/selectiv, effectif/effectiv, négatif/negativ, etc. 3.3. La phonétique combinatoire 3.3.1. Les interférences vocaliques La voyelle [y] L’épenthèse Exemples : Les exemples ci-dessus font apparaitre le [ju] dans l’articulation des participants. Ce groupe de sons épenthétiques s’intercale entre [y] et la finale des mots, se substituant à ce [y]. Ici c’est la base articulatoire ou graphique du L2 qui est à l’origine de l’épenthèse. En effet, le son [y] est absent des systèmes vocaliques de l’igbo, LM et de l’anglais, L2, il n’est attesté qu’en français L3. Les apprenants substituent à [u :]. En anglais, L2 Le son [u :] est une postérieure fermée arrondie, il se prononce [u :] comme dans /moon/, il se rapproche articulatoirement de [y] du L3 qui est une voyelle antérieure fermée , arrondie Sur le plan graphique, en français, L3 le [y] s’écrit /u/ comme dans : [tribynal] < /tribunal / Tandis qu’en anglais, L2 /u :/ en combinaison C+u se prononce souvent [ju :] et s’écrit /u :/ comme dans : [traibju : nl] < / tribunal / Il y a donc confusion dans la stratégie articulatoire des apprenants concernant ce son [y] du français, L3. Trois (3) participants ont mélangé les bases articulatoires de L2 et L3 dans la prononciation de ces lexèmes substituant le [ju] à [tʃ] parfois dans [fɔrtjun] ou [fɔrtʃun] ou [fjutju (r)] ou [fjutʃu(r)] ce qui prouve qu’il y a conflit de bases articulatoires chez les participants. La prothèse Université [ynivɛrsite] ˃ [junivə’site] Le son [y] n’étant attesté ni en anglais ni en igbo, pour le prononcer en initiale absolue des mots commençant par la voyelle /u/ à l’initiale, les élèves introduisent un [j] à l’initiale. Cette prothèse aboutit à [j+u] qui donne [ju]. Comme analysé ci –dessus. Les deux bases articulatoires et graphiques de L2 et LM sont en conflit chez les apprenants. Transfert par substitution Exemples : La voyelle [y] est une voyelle antérieure fermée, arrondie. Elle est absente dans le système de L2, anglais et dans celui de LM, igbo. Les apprenants le remplacent dans la prononciation par [u] lorsqu’il est en position médiane des mots. Le son [u] est présent dans les systèmes vocaliques de la LM, igbo et de l’anglais, L2. C’est une voyelle postérieure arrondie fermée, plus proche de [y]. [y] et[u] sont toutes les deux arrondies et fermées, c’est un transfert par le mode d’articulation qu’on observe ici. Les cas de substitution de [y] par [ʌ] relèvent de la base graphique et articulatoire de l’anglais L2. En effet, en anglais certains mots qui s’écrivent avec la voyelle /u/ se prononcent avec la voyelle antérieure mi ouverte /ʌ/. C’est le cas de bus ˃ [bʌs], such˃[ sʌch], cup ˃cʌp etc. Il ya substitution par confusion entre la base graphique et la base articulatoire de L2 chez les enquêtés qui possèdent ces deux bases qui entrent en conflit dans leur mémoire. Pourtant deux mots des exemples ci-dessus : « supporte et suppose » qui s’écrivent de la même façon en anglais ne se prononcent pas avec [Ʌ] mais avec [ə] [səpəʊz] [səpɔ:t]. La voyelle [e] Mélanger [melãʒe] ˃ [milãdʒe] La voyelle [e] du français L2 est réalisée antérieure non arrondie mi-fermée. La voyelle [e] existe aussi en igbo, LM, et en anglais, L2 , mais elle est réalisée antérieure mi –ouverte dans ces deux langues. Sa prononciation se situe entre [ə] et [ɛ]. Elle existe donc dans les trois langues en présence, mais de réalisation différente. On constate que les participants l’ont substitué à [i]. Ils l’ont rapproché soit du [i͎] igbo, LM, antérieure tendue mi- fermée, soit du [I] anglais L2 également antérieure tendue mi fermée. On s’attend à une réalisation quasi normale du [e] attesté dans les trois langues. Mais l’écart entre les degrés d’aperture ne le permet pas phonétiquement. C’est une substitution par le degré d’aperture mi-fermée. Le cas de substitution qui suit vient conforter cette analyse. [ə] ˃ [i] (p12, p19, p20, etc.) Exemples : La voyelle [ə] est une antérieure moyenne arrondie en français L3, elle existe en anglais où elle est réalisée centrale mi –ouverte. Elle est inconnue du système vocalique igbo. Les participants le substitut à [i͎] ou [I] antérieure mi-fermée igbo, LM ou anglais, L2. En effet, ce [i͎] ou [I] est plus proche articulatoirement du [ə] par le degré d’aperture que le [e] qui est d’aperture fermée. Les voyelles nasales [õ, ɛ̃, ã,] (p9, p8, p20) La dissimilation ou différenciation [õ ] ˃ [ɔn] Exemples : Dans ces exemples les nasales [ɔ̃, ã , ɛ̃] se réalisent [ɔn, an, ɛn,] en finale de mots chez les enquêtés. Il s’agit d’une dissimilation par dénasalisation. Il y a ajout du [n] devant les voyelles nasales Cette dissimilation vocalique contribue à dénasaliser les voyelles nasales en voyelles orales [ɔ, a, ɛ].L’igbo, LM et l’anglais, L2 ne possèdent pas de voyelles nasales dans leur système phonétique. Le français compte 4 voyelles nasales dont la voyelle [ɔ̃, ã,ɛ̃,œ̃]. Dans la graphie de l’anglais, L2, les mots terminés [jõ ã, jɛ̃] en français, L3 tels que : situation, Christian, gouvernement, s’écrivent presque de la même façon en anglais, L2, mais ne se prononcent différemment avec la nasale [n] en finale : [sitjʊeiʃn], [kristʃen], [government] etc. Il ya confusion entre la graphie du français, L3 et de l’anglais, L2 et la prononciation en L2 chez les participants. 4. Résultats et discussion Notre étude révèle que les apprenants Nigérians réalisent de nombreuses interférences phonétiques en français L3 , et que c’est l’anglais, leur L2 mais aussi leur langue d’appui qui interfère sur l’articulation des sons français, L3 , soit sur leur mode d’articulation, soit sur leur lieu d’articulation. La base graphique de L2 est aussi source d’interférence dans la réalisation des sons de L3. La langue igbo, leur LM n’intervient que dans de rares cas. Ceci vient quelque peu en contradiction des études sur l’apprentissage des langues étrangères, telles que celles de Francis Deyser (1970), Jasone Cenoz et José Valencia (1994, etc.). « Dans l’étude des problèmes que pose l’apprentissage des langues étrangères, il faut surtout prendre en considération le mélange d’interférences de L1 et L2 lorsque le français n’est pas la première langue étrangère. […] Quant à savoir laquelle de Ll ou de L2 a le plus grand effet interférentiel […], il semble toutefois que l’influence de la langue maternelle soit la plus déterminante, et que les interférences dues à une langue intermédiaire, à moins que celle-ci ne soit possédée à fond, ne soient plus localisées et moins durables » (F. Deyser, 1970, op. cit., p. 60). Il apparait aussi que la proximité lexicale et parfois graphique de la L2 et de la L3 influence la prononciation des sons de L3. Les participants semblent avoir occulté leur LM, car même lorsqu’ils sont en face des sons qui existent dans le système phonétique de leur LM et de leur L2, ce sont les sons issus de la L2 qui interfèrent sur la L3. Cette étude prouve aussi que la première langue étrangère d’apprentissage, L2, ici l’anglais sert de base articulatoire et graphique aux apprenants pour l’apprentissage d’une autre langue étrangère L3, ici le français La principale difficulté des participants provient de la réalisation des fricatives et des voyelles. La peur de l’erreur, l’évaluation sont aussi source de difficultés. Le manque de motivation également constitue un frein à l’apprentissage du français, et enfin le manque de pratique régulière de la L3. Nous avons remarqué que les élèves arrivent à une assez bonne maîtrise du français écrit, tandis qu’ils butent à l’oral contre la prononciation de nombreux sons. L’objectif d’un professeur de langue dans une telle classe consiste à débarrasser les apprenants des habitudes qu’ils ont acquises dans leurs langues antérieures, (LM, L2) qui entravent leur maîtrise du français, L3. Que peut faire le professeur de français dans une telle situation pour atteindre cet objectif ? Le questionnaire soumis à toute la classe au début du cours nous a permis de nous rendre compte de la différence de niveaux d’apprentissage du français, et du degré d’hétérogénéité de la classe en ce qui concerne leur nationalité, leurs langues maternelles, leurs langues d’apprentissage. « En effet, la différence de niveau est le premier paramètre à prendre en compte pour permettre à chacun de progresser à la mesure de ses capacités dans la langue cible » (C. David, 2017, 111) .Ces informations nous ont emmenée à constituer la classe en sous-groupes dont le dénominateur commun était la langue maternelle des élèves. Cette division facilite le recours à la prononciation de la langue maternelle lors de l’évaluation. « Un étudiant Nigérian qui commence à apprendre le français a déjà dans son cerveau un système linguistique, celui de la langue maternelle ou la première langue apprise qui peut être autre que sa langue maternelle » (A. Oyebola Olubunmi, 2014, 51). Le recours à l’auto-enregistrement et à l’auto-évaluation s’est avéré une des solutions efficaces, car il permet à l’élève de s’écouter et de juger son niveau de production orale et de se corriger. De plus cette méthode revêt un aspect ludique qui décrispe les apprenants. Le recours aux vidéos en français permet aussi d’améliorer leur articulation. La lecture à haute voix, peut être aussi un remède à l’amélioration de l’articulation. Confronter les systèmes phonétiques des langues des apprenants est d’un grand apport s’il s’agit d’identifier les sources des interférences, mais corriger ces interférences s’avère un exercice ardu pour l’enseignant surtout lorsqu’il s’agit des cas d’interlangue comme c’est le cas de participants de cette étude. Il faut user d’autres méthodes et faire appel à d’autres disciplines car il n’y a pas que les organes phonatoires qui sont impliqués dans cet apprentissage/ enseignement, il y a l’aspect cognitif, social et pédagogique. « Ce qui fait encore obstacle à une percée décisive aussi bien au niveau de la recherche qu’au niveau de la pratique est, à notre avis, la prise en compte insuffisante du caractère interdisciplinaire de l’enseignement/apprentissage des langues. Il est que généralement des études faites dans ce domaine sont unilatéralement orientées : leurs fondements théoriques et méthodologiques sont liés ou bien à la psychologie ou bien à la linguistique » (G. Doca, 1981, op. cit., p. 8). Conclusion Pourquoi un apprenant africain qui possède deux bases articulatoires et graphiques bien ancrées (celle d’une langue africaine et une langue européenne) dans sa mémoire tend à ne solliciter que les bases articulatoires de la langue européenne dans l’apprentissage d’une autre langue européenne ? C’est la question à laquelle nous projetons de répondre dans une étude ultérieure. Bibliographie 1. Ouvrages 2. Articles 3. Articles numériques 4. Dictionnaires 5. Thèse Pour citer cet article : Marie-France Andeme Allogo, « Les interférences phonétiques de l’igbo et de l’anglais sur français chez les apprenants Nigérians du Lycée franco-britannique Libreville », Revue Oudjat en Ligne, numéro 4, volumes 1 & 2, janvier 2021, L’Afrique en temps de pandémie. Vivre et écrire à l’ère du Covid-19, ISBN : 978-2-912603-98-2/EAN : 9782912603982. |
[1] On entend par base articulatoire en linguistique le premier système de sons articulés acquis par l’enfant lors de l’acquisition de sa langue maternelle ou première langue. [2] La base graphique est le premier système de sons écrits et articulés lors de l’apprentissage d’une langue d’enseignement. [3] Ces élèves avaient été scolarisés au Nigéria avant de venir à Libreville. Au Nigéria, en tant que langue d’enseignement, l’anglais n’intervient à l’école, dans la plupart des Etats, qu’après les trois premières années de primaire. L’anglais est ainsi, pour une grande majorité de Nigérians une deuxième langue d’apprentissage (L2). [4] L’igbo est une langue africaine classé dans le Congo-Kordofan, le français une langue européenne romane. [5] Ce tableau n’est pas exhaustif, tous les mots présentés en exemples ne s’y trouvent pas. p1 : signifie phrase 1. En outre, le symbole [ ] équivaut à : transcription phonétique. [6] En linguistique, la notion de faute est connotée parce qu’elle renvoie à la norme. [7] ˃ : se réalise, devient. [8] → : atteste ≠ : n’atteste pas ↔ : se réalise. |